L’article 36 de la Constitution de la IVe République dispose que « les partis politiques […] se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi ». Le multipartisme est donc un marqueur du Mali, mais il est menacé par le Président Goïta : en avril 2024, celui-ci suspendait l’activité des partis ; un an plus tard exactement, il cherche encore à brider l’expression démocratique alors que l’organisation de l’élection présidentielle est pressante (I) pour rester au pouvoir (II).
L’organisation pressante de l’élection présidentielle
Le régime de Transition a officiellement pris fin le 26 mars 2024, mais la Constitution de la IVe République n’est pas totalement applicable parce qu’un président de la République n’a pas été élu. De multiples textes à valeur constitutionnelle empêchent la primauté de l’un d’entre eux sur les autres. Quand un problème de droit constitutionnel se pose, le régime peut le résoudre comme il le veut en utilisant tel ou tel document, à son gré. D’un point de vue technique, il est donc inutile de faire appel aux Maliens, mais la pression populaire exercée à la suite d’élections présidentielles en Afrique francophone, aux résultats même faussés, oblige la junte à se soumettre aux contraintes de la démocratie. Ainsi, l’élection présidentielle au Gabon en avril 2025 pouvait laisser penser que les dirigeants du Mali allaient prendre le risque d’organiser à leur tour le scrutin visant à choisir un nouveau chef de l’État ; mais la victoire du général Oligui Nguema et, à partir du 16 avril, la tenue d’une conférence visant à la relecture de la charte des partis politiques a réduit tout espoir de changement démocratique. Près de cinq ans après qu’il a pris le pouvoir, le général Assimi Goïta reste au palais de Bamako sans que les citoyens n’aient exprimé leur volonté de le voir décider encore seul, avec l’armée, de leur destinée. La promesse répétée de remettre le pouvoir exécutif aux civils n’a jamais été tenue et ne le sera jamais. La junte cherche plutôt à conserver la mainmise sur les instituions en préparant une élection présidentielle aménagée de sorte que les suffrages se portent sur une candidature unique, ou tout au moins sur un nombre très restreint de candidatures, pour permettre à Assimi Goïta de rester Président.
La possible création d’un parti unique
Dès 1966, Odile Debbasch écrit que « la formation du parti unique apparaît comme un phénomène général en Afrique ». Le Président Goïta semble vouloir imposer ce mode de gouvernement qui n’a plus cours au Mali depuis 1991 et grâce auquel des dictateurs ont tenu les rênes de l’État tels le Mouvement populaire de la révolution au Zaïre, le Parti de la révolution populaire du Bénin, le Parti congolais du travail ou le Parti démocratique de Côte d’Ivoire. La relecture de la charte des partis politiques suivrait ainsi cette logique historique et pourrait procéder du rapprochement du Mali et de la Chine. Le 25 mars 2024, le site internet de la présidence de la République du Mali indiquait en effet qu’une rencontre entre le représentant spécial du gouvernement chinois visait à « renforcer les liens bilatéraux entre le Mali et la Chine, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives de coopération entre les deux nations ». Cette « coopération » pourrait se manifester en matière d’organisation de politique intérieure avec l’instauration d’un parti unique, puisque l’Empire du milieu interdit le multipartisme. Cette idée n’est pas saugrenue : depuis 2020, l’armée au pouvoir cherche à conforter son emprise en utilisant des moyens éculés (comme les Assises nationales de la refondation) et des moyens nouveaux, comme l’Alliance des États du Sahel.
Depuis le coup d’État contre Ibrahim Boubacar Keïta, c’est peut-être la fin des rencontres des « forces vives de la nation » discutant de la relecture de la charte des partis politiques qui marquera la tenue de l’élection présidentielle. Si le multipartisme est interdit, ou si le multipartisme est conservé aux conditions du pouvoir, comme en Russie, Assimi Goïta n’aura plus à craindre le peuple et pourra se présenter devant lui, certain qu’il le choisira.

Balla Cissé
docteur en droit public
Avocat au Barreau de Paris
Diplômé en Administration électorale