La récente rencontre des Forces Vives de la Nation du Mali, qui s’est tenue fin avril 2025, a abouti à des décisions qui ont secoué le paysage politique du pays. Parmi les recommandations les plus marquantes : la dissolution de tous les partis politiques et l’élévation d’Assimi Goïta au rang de Président de la République pour cinq ans. Si la première décision fait l’effet d’un coup de tonnerre dans la sphère politique, la deuxième, elle, est bien plus subtile et risquée. Mais derrière l’apparente volonté de « nettoyer » le paysage politique, ne se cache-t-il pas une manœuvre plus calculée pour renforcer le pouvoir des autorités de la transition ?
Dissolution des partis : une manœuvre de diversion
L’annonce de la dissolution des partis politiques a provoqué un tollé au sein de la société civile et de l’opposition. Officiellement, cette mesure vise à « réformer » un système politique jugé trop fragmenté et corrompu. Cependant, certains y voient surtout un moyen pour le pouvoir militaire de faire disparaître toute opposition organisée. En effet, cette dissolution radicale élimine les voix critiques qui auraient pu gêner l’agenda politique des autorités de la transition.
Mais plus qu’un simple nettoyage, cette décision semble surtout être une diversion politique. En focalisant l’attention sur la disparition des partis, le régime de Goïta masque subtilement l’élévation de ce dernier au rang de Président de la République pour cinq ans. Cette manœuvre permet de légitimer le pouvoir militaire tout en détournant le regard des véritables enjeux : la prolongation indéfinie du mandat de Goïta.
Cinq ans de pouvoir : un mandat sans risque
L’autre recommandation phare de la rencontre a été la proposition de désigner Assimi Goïta comme président légitime pour cinq ans, sans passer par la case élections. En d’autres termes, les autorités de la transition ont réussi à imposer un président « élu »… sans élections. Une décision saluée par certains comme étant nécessaire pour « stabiliser le pays », mais qui sonne surtout comme un coup de force pour garantir la pérennité du régime militaire.
Ce mandat prolongé est une aubaine pour le Général Goïta. En se faisant accorder un mandat de cinq ans, il s’assure de garder le contrôle du pays sans avoir à affronter de véritables opposants politiques, d’autant plus que la dissolution des partis va déjà faire disparaître toute forme de résistance organisée.
La diversion parfaite
Pourquoi, alors, cette décision de dissolution des partis, si ce n’est pour masquer une véritable concentration du pouvoir ? En agitant cette question sensible, les autorités de la transition détournent l’attention du véritable enjeu : le maintien d’un pouvoir militaire autoritaire sous la forme d’un mandat légitimé pour Goïta. La dissolution des partis devient ainsi une tactique de diversion efficace, permettant de faire passer en douceur une décision qui aurait été autrement difficile à justifier.
Au final, dissoudre les partis, c’est s’assurer qu’il n’y ait plus de voix discordantes pour contester le pouvoir militaire. Et dans le contexte actuel du Mali, où le pays est toujours plongé dans une crise sécuritaire profonde, la stabilité semble plus que jamais être la priorité des autorités en place. Mais cette stabilité est-elle réellement bénéfique pour le peuple malien, ou n’est-elle qu’un paravent pour un pouvoir militaire durable ?
La dissolution des partis politiques et l’élévation de Goïta au rang de président semblent être des décisions sur-mesure pour instaurer une transition indéterminée, sans élection et sans opposition. Ces décisions montrent à quel point les 5 généraux manœuvrent pour s’imposer comme seule légitime au sommet de l’État, en exploitant habilement les faiblesses du système démocratique et en détournant l’attention des véritables enjeux politiques. Pour le peuple malien, l’heure n’est pas à la refondation, mais à la consolidation d’un pouvoir militaire qui semble être là pour durer.
Maramory Bouka Niaré
Rédacteur en Chef