L’entraîneur Tom Saintfiet a récemment fait face à la presse malienne, notamment sur le plateau d’Africa Sport 24, pour un bilan sans concession de ses 14 premiers mois à la tête des Aigles du Mali. Entre chiffres solides et critiques acerbes, le technicien belge a martelé son credo : la victoire prime sur le style. Une analyse musclée où il n’a pas hésité à comparer ses performances à celles de ses prédécesseurs, tout en levant le voile sur les coulisses houleuses de certaines sélections.
Le choix de la pragmaticité : Un style contesté, des chiffres discutés
Tom Saintfiet, qui se dit très heureux de son choix de coacher le Mali, un « grand pays de football », même si cela est financièrement moins avantageux que son poste précédent aux Philippines, est arrivé avec une ambition claire, comme le mentionne « atteindre les demi-finales de la prochaine CAN ».
Pourtant, cette ambition se heurte à la perception du public sportif malien. Un sondage récent de AfricaSport24 révélait que près de 70 % (69 %) des personnes interrogées n’avaient pas confiance en la production actuelle de l’équipe. Les supporters, habitués au « football de possession » et à la « maîtrise technique » des précédents sélectionneurs (Mohamed Magasouba ou Éric Chell), reprochent à Saintfiet un manque de production.
Le coach est catégorique, il dit qu’il est là pour le meilleur résultat et non pour le meilleur style. Il compare son approche à celle de Mourinho ou Guardiola, où chaque entraîneur a une idée différente. Il justifie son orientation défensive par l’histoire récente des Aigles. Depuis 12 ans, le Mali n’a pas dépassé les demi-finales et n’a gagné que deux matchs maximums lors des dernières CAN (2023, 2021, 2019).
« Moi avec Gambie on est 6ème au Can et je vais expliquer quelque chose avec Gambi on a on a joué notre première CAN on a gagné trois matchs au CAN… »
Comparaison chiffrée : L’efficacité défensive de Saintfiet
En comparaison directe avec l’ancienne équipe, Saintfiet affirme que les résultats sont parlants. Sur 12 matchs compétitifs :
- Le Mali marque presque la même moyenne de buts par match que l’ancien entraîneur (1,83 contre 1,87 pour Chell).
- Mais surtout, le Mali n’a encaissé que trois buts en 12 matchs (une moyenne de 0,25 but encaissé par match), contre 0,67 pour son prédécesseur.
Sa conclusion est implacable : « Une attaque gagne des matchs une défense gagne des titres ». Il cite l’exemple du Maroc à la Coupe du Monde 2022, qui a joué sur l’organisation et le contre, finissant 4ème mondial.
L’Affaire des petites équipes
L’une des critiques majeures portées contre Saintfiet, étayée par des statistiques trouvées sur les réseaux, est que sur ses 12 matchs, un seul aurait été joué contre une équipe figurant parmi les 100 meilleures au monde, et ce match fut perdu.
Le sélectionneur a réagi vivement à cette analyse, la jugeant peu informée sur la réalité du football africain. Il a retourné l’argument en comparant la qualité de ses groupes de qualification à ceux de son prédécesseur, Éric Chell :
| Compétition | Équipe de Saintfiet | Équipe d’Éric Chell |
| Adversaires (Qualification CAN) | Mozambique (qualifié CAN 2023), Guinée Bissau (qualifié 4 dernières CAN). | Gambie (150e au classement FIFA), Sud Soudan (180e), Congo Brazzaville (jamais qualifié CAN depuis 10 ans). |
| CAN | (Matchs à venir) | Nul contre Namibie, défaite contre Gambie (105e FIFA). |
Il rappelle que la Gambie, qu’il a coachée, a terminé 6ème à la CAN 2021, gagnant trois matchs, un exploit que le Mali n’a réalisé que deux fois dans son histoire (2012 et 2004). Il insiste sur le fait que des équipes comme les Comores, battues deux fois 3-0 par le Mali, ont pourtant atteint le deuxième tour de la CAN 2021.
Les Choix de Joueurs
Saintfiet a profité de l’interview pour clarifier plusieurs situations délicates concernant la sélection des joueurs, notamment en réaction aux critiques sur le maintien de certains joueurs (les sénateurs) au détriment de joueurs en forme en club.
- Le cas Kamory Doumbia et Lacine Sinayoko : Contrairement à certaines interprétations, le coach assure qu’il n’a jamais douté des qualités de Sinayoko. L’absence initiale de Doumbia (désormais un joueur « crucial » avec un ratio exceptionnel de 7 buts en 9 matchs) s’expliquait par des blessures et un manque de disponibilité à 100 %.
- La non-sélection basée sur l’engagement : Saintfiet a été très ferme concernant les joueurs qui refusent la sélection.
- Moussa Doumbia : Il a été sélectionné pour septembre 2024, mais il a quitté le campement sans prévenir le staff, contre l’avis du coach, pour un check médical lié à un transfert. Saintfiet juge cette attitude comme un manque de priorité et d’amour pour le pays.
- Massacho Haïdara et Fousseni Diabaté : Massacho Haïdara aurait refusé de venir en septembre 2023, n’ayant jamais informé le staff de son absence malgré la réception de son billet. Fousseni Diabaté a refusé de rencontrer le coach, malgré un déplacement et des frais engagés par Saintfiet lui-même.
Pour l’entraîneur, la priorité est donnée aux joueurs « qui sont toujours disponibles pour l’équipe nationale ».
Staff et préparation
Concernant la composition de son staff, le coach a réfuté le fait de manquer d’anciens Aigles. Il a notamment souligné que si son staff local initial n’était pas son choix, l’arrivée de Samba Sow (ancien demi-finaliste CAN 2013) comme manager général est essentielle. Samba Sow, malgré son rôle non-adjoint, est en contact quasi-quotidien avec Saintfiet et connaît « très bien l’environnement du football malien ».
À deux mois de la CAN, l’entraîneur a également donné des nouvelles rassurantes concernant les cadres blessés :
- Yves Bissouma et Amadou Haïdara : Saintfiet a « presque la garantie » que Bissouma sera prêt pour la CAN. Il considère Haïdara et Bissouma comme des « leaders » et des « personnalités » dont l’expérience est cruciale, même s’ils manquent de temps de jeu en club. Il nuance l’inquiétude en soulignant que le manque de fatigue pourrait être un avantage.
- Capitanat : Il a confirmé qu’il n’y a « pas de discussion » : Yves Bissouma, s’il est disponible, reste le capitaine.
Enfin, face aux critiques sur le « blocage psychologique » des joueurs maliens sous pression, Saintfiet a adressé un plaidoyer aux supporters et journalistes :
« Peut-être la raison que les joueurs maliens sont inscures et stressés dans ses phases c’est parce que il y a beaucoup de négativité tout le temps ».
Il a imploré l’unité et la confiance pour aider l’équipe à réussir. Tom Saintfiet, fort de son expérience (nommé parmi les meilleurs entraîneurs CAF en 2022 et 2023), se dit confiant : « Je suis 100 % sûr que le fin janvier tout le monde va dire amen mari a joué leur meilleur camp de l’histoire ». Reste à savoir si son pragmatisme paiera là où le « beau jeu » a échoué.
Maramory Niaré
Rédacteur en Chef









