Interrogé sur l’existence d’une « dette cachée » sous son magistère, l’ex-président Macky Sall rejette l’accusation et déroule un argumentaire institutionnel : dans l’architecture sénégalaise et ouest-africaine, « on ne peut pas cacher une dette publique ».
Ce que dit Macky Sall
- Impossibilité structurelle : une dette publique naît d’une convention financière entre l’État et un bailleur. Elle requiert un avis de la Cour suprême sur la conformité à la Constitution et aux engagements internationaux.
- Traçabilité monétaire : toute dette extérieure en devises transite par la BCEAO (banque centrale de l’UEMOA) avant conversion en CFA puis mise à disposition de l’État.
- Contrôles permanents : la dette est sous surveillance multilatérale du FMI, et sous le regard des organes nationaux (Cour des comptes, Assemblée nationale, ministère des Finances).
- Position personnelle : il se dit « le premier surpris » par l’expression « dette cachée », réclame l’audit annoncé (« voir les termes de référence » et le rapport) pour « comprendre de quoi on parle ».
Sa contre-narration
Macky Sall replace l’endettement dans une stratégie d’investissement : accélération des infrastructures (transport, électrification) rendue possible par l’accès au crédit et la crédibilité du pays auprès des bailleurs. En filigrane, l’accusation de « caché » lui paraît être une requalification politique de choix macro-budgétaires assumés.
Les points durs que l’audit devra lever
- Périmètre : parle-t-on de dettes budgétaires classiques, d’engagements para-publics, de garanties d’État ou de passifs liés à des PPP ?
- Chaîne de validation : y a-t-il eu des dérogations aux circuits évoqués (avis juridictionnel, enregistrement monétaire, information des contrôleurs) ?
- Calendrier et disclosure : à quelles dates les engagements auraient-ils été pris, et comment ont-ils été publicisés ou non dans les documents officiels ?
Enjeux immédiats
- Réputation et coût du crédit : l’usage public du terme « dette cachée » pèse, à lui seul, sur la prime de risque du pays—d’où l’insistance de Sall sur des faits vérifiables plutôt que des formules.
- Gouvernance : selon les conclusions, soit consolidation du cadre (pour clore la controverse), soit réformes plus strictes (plafonds, publication élargie des engagements conditionnels).
Verdict d’analyse
Le cœur de la défense de Macky Sall tient en une preuve par la procédure : cour suprême , bailleurs, BCEAO, contrôleurs nationaux , FMI. Tant que l’audit n’est pas publié, deux récits coexistent :
- celui d’une dette « traçable par nature »,
- et celui d’engagements hors-cadre que seule une vérification documentée pourrait établir.
Dans l’intervalle, la seule certitude est politique : le mot « cachée » requalifie un débat technique en procès d’opacité. La réponse de Sall, elle, judiciarise le débat et renvoie la balle à l’audit.
Maramory Bouka Niaré
Rédacteur en Chef