Réunis le 27 août 2025 à Abuja (Nigéria), les chefs d’état-major de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont franchi une étape majeure dans la lutte contre le terrorisme. Ils ont validé la mise en place d’une force régionale de réaction rapide composée de 260 000 hommes, avec pour mission de combattre l’expansion des groupes armés qui déstabilisent le Sahel et le golfe de Guinée.
Une réponse à une menace devenue régionale
Le commissaire de la CEDEAO aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Abdel Fataou Moussa, a annoncé que 2,5 milliards de dollars seront mobilisés pour financer cette force. L’initiative s’inscrit dans un contexte où les attaques terroristes s’intensifient :
- Le Sahel concentre aujourd’hui plus de la moitié des décès liés au terrorisme mondial.
Selon le Global Terrorism Index 2025, 51 % des morts dues à des attentats dans le monde en 2024 ont été enregistrés dans cette région : 3 885 décès sur un total mondial de 7 555. - Les États côtiers du golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Ghana) sont désormais menacés par une extension des activités de groupes armés issus du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Cette évolution inquiète particulièrement les dirigeants ouest-africains, qui voient la stabilité politique, économique et sociale de leurs pays menacée.
Une force de réaction rapide prévue pour 2026
Selon la feuille de route adoptée, la nouvelle force antiterroriste sera opérationnelle dès 2026. Elle aura pour principales missions :
- Renforcer la sécurité des frontières, zones souvent infiltrées par des groupes armés transnationaux.
- Protéger les populations rurales, premières victimes des attaques et déplacements forcés.
- Soutenir les États en première ligne (Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria) avec un appui logistique et financier.
- Assurer la cybersécurité et la veille stratégique, afin de contrer la propagande et les communications des groupes terroristes.
Le général Christophe Moussa a insisté sur l’importance de moderniser les armées régionales : « L’ennemi est à l’intérieur. Nous devons investir dans la cyberdéfense, l’intelligence artificielle et développer des technologies militaires indigènes pour sécuriser durablement la région. »
Un tournant stratégique pour la CEDEAO
Cette décision marque une volonté d’intégrer davantage la sécurité régionale dans l’agenda politique ouest-africain, à un moment où :
- Plusieurs pays de la région (Mali, Niger, Burkina Faso) se sont éloignés des missions internationales comme la MINUSMA et coopèrent davantage avec de nouveaux partenaires militaires.
- Les interventions internationales, notamment françaises, ont reculé, laissant un vide sécuritaire.
- Les tensions diplomatiques autour de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont fragilisé l’unité régionale face au terrorisme.
L’initiative pourrait également repositionner la CEDEAO comme un acteur clé de la sécurité collective, après avoir été critiquée pour son manque de réactivité face à la montée des groupes armés et aux coups d’État récents.
Défis et perspectives
Bien que prometteuse, la création d’une telle force pose plusieurs défis :
- Financement pérenne : l’enveloppe de 2,5 milliards de dollars sera un point de départ, mais les opérations prolongées nécessiteront un soutien financier durable.
- Coordination entre armées nationales : l’interopérabilité, la chaîne de commandement et la logistique restent des enjeux majeurs.
- Acceptation politique : certains États pourraient hésiter à confier une partie de leur souveraineté sécuritaire à une structure régionale.
- Modernisation technologique : l’intégration de la cybersécurité et de l’IA nécessite des investissements lourds et des compétences spécialisées.
Une étape décisive pour la stabilité régionale
La mise en place de cette force antiterroriste de 260 000 hommes témoigne d’une volonté de reprendre l’initiative face à un terrorisme qui s’est enraciné depuis plus d’une décennie au Sahel.
Si elle parvient à être financée, bien organisée et technologiquement adaptée, cette initiative pourrait changer l’équilibre sécuritaire en Afrique de l’Ouest et redonner confiance aux populations souvent livrées à elles-mêmes.
MARAMORY BOUKA NIARE
Rédacteur en Chef