Assimi Goïta ou la dictature à vie.

Le 3 juillet 2025 est une date symbolique, mais forte, dans la perpétuation de la dictature militaire : ce jour-là, le Conseil national de Transition (CNT) « a adopté à l’unanimité le projet de loi portant révision de la Charte de la Transition ». Ce projet, publié à l’issue du conseil des ministres du 11 juin précédent, prévoit « la révision de la Charte de la Transition en accordant au chef de l’État un mandat de 5 ans renouvelable à partir de 2025, à l’instar de ses pairs de la Confédération AES » (l’Association des États du Sahel). Cette mesure est officiellement motivée par les recommandations du Dialogue inter-Maliens (DIM) de mai 2024 – donc par la volontaire populaire – et par la « nécessité de poursuivre la Transition pour parvenir à la pacification totale » du Mali, du Tchad et du Burkina-Faso… Le général Goïta s’est donc arrogé le droit de rester à la tête du Mali autant qu’il le veut. Il ne lui suffisait pas de s’être hissé au rang le plus élevé de la hiérarchie militaire en s’octroyant le grade de général d’armée le 16 octobre 2024 puis d’avoir interdit l’activité des partis politiques en mai 2025 pour « raison d’ordre public » ! Désormais, pour lui, c’est la présidence à vie, que l’on décrète. Un deuxième quinquennat de trop (I) résultant d’une pensée inconséquente (II) est imminent.

 

1. Un deuxième quinquennat de trop

Les modèles de permanence au pouvoir ne manquent pas. L’histoire de l’Afrique de l’Ouest francophone présente un nombre abondant de chefs d’États à qui furent confiés les pleins pouvoirs avec reconduction plus ou moins tacite, les moins excessifs organisant un semblant d’élection pour rester dans leur confortable fauteuil présidentiel : au Mali, Moussa Traoré conserva la magistrature suprême vingt-deux ans durant ; au Tchad, Idriss Déby se maintint trente ans à N’Djamena ; Omar Bongo dirigea le Gabon près de quarante-deux ans ; Paul Biya préside le Cameroun depuis 1982 ; quant à Denis Sassou Nguessou, il sera resté plus de quarante ans à la tête du Congo… Dans chacun de ces États, les dirigeants ont pris toutes les mesures possibles et imaginables pour repousser le risque d’être dessaisis de la sacro-sainte capacité à décider seuls pour les autres. Pourtant, la limitation du nombre de mandats est une préoccupation constante, un point jamais négligé dans les Constitutions. Assimi Goïta, qui jouit d’une quasi omnipotence depuis près de cinq ans, soit autant que s’il avait été élu dans le cadre de la IIIe République (article 30) ou de la IVe République (article 45), aurait dû y réfléchir si son souci était véritablement, comme l’indique le communiqué du Conseil des ministres du 11 juin 2025, la « refondation totale de l’État et surtout […] la construction d’une nouvelle vision politique, demandée par le Peuple malien ». Nous conseillons au chef de l’État de méditer sur cette réflexion d’Olivier Duhamel qui, dans le Quinquennat, critique « le pouvoir trop prolongé », qui « corrompt plus profondément. L’homme de pouvoir tend à le conserver, l’homme au pouvoir veut s’y perpétuer. Autant le préserver de cette obsession, stimulante dans la longue marche vers le sommet, ravageuse dans sa trop longue occupation du poste suprême. Protégeons le dirigeant contre lui-même. »

Le premier quinquennat d’Assimi Goïta a montré ses limites dès le premier jour. Une autre période de cinq ans achèverait la ruine du Mali à cause du dogmatisme de la junte.

 

2. Les inconséquences de la junte

L’autorisation votée par le CNT ne peut que révolter le juriste et le citoyen, et quiconque a la démocratie au cœur. La poursuite de la Transition a comme fondements un ensemble d’incohérences. Des élections générales auraient dû être organisées au moins à partir de 22 juillet 2023, c’est-à-dire après la promulgation de la Constitution de la IVe République. La logique du processus commencé avec le premier coup d’État l’exigeait en effet – malgré les manœuvres anticonstitutionnelles ayant donné lieu à l’adoption de ce texte – autant que l’engagement de l’armée à reprendre sa place dans ses garnisons. Ensuite, la reconnaissance par le régime lui-même, dans le communiqué du 11 juin, de son échec à pacifier le Mali imposait qu’il renonce à la tentation de rester aux commandes. L’organisation du référendum pour le projet de Constitution, en juin 2023, et les commentaires satisfaits de Choguel Maïga, alors Premier ministre, à l’issue du scrutin, auraient dû eux aussi dissuader le quarteron de généraux ambitieux de faire de la sécurité son argument suprême pour demeurer au palais de Koulouba puisque, au moins un temps, elle a manifestement su l’assurer. Mais ces messieurs en uniforme ne sont plus à une contradiction près, eux qui mêlent les idées et les principes à leurs désirs, à leurs ambitions. Le communiqué du Conseil des ministres du 27 juin 2025, soit deux semaines après l’odieux oukase, annonce un projet de loi qui « vise à autoriser le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures qui sont normalement du domaine de la loi », entre le 7 avril et octobre, pour la « réalisation de son plan d’action ». N’y a-t-il pas là encore un durcissement du pouvoir de l’armée ? En tout cas, le CNT, ce pseudo-Parlement, confirme son statut non d’organe législatif mais de Chambre d’enregistrement, bien soumise à la junte, si soumise qu’elle n’a jamais cherché à s’émanciper de lui comme l’a montré l’adhésion unanime à cette présidence à vie que personne ne désigne ainsi. Les dictateurs aussi ont des pudeurs de gazelle.

Comme l’écrivait en 2012 le sociologue Amady Aly Dieng dans un article intitulé « le Parti unique et les pays d’Afrique noire », « la démocratie ne peut pas être réduite à un rituel et à l’organisation périodique d’élections entachées de fraude ». Certes. Mais depuis cinq ans qu’il dirige leur pays, les Maliens sont en droit d’émettre un avis sur Assimi Goïta. S’il n’est pas nécessaire de faire le vœu pieux d’une élection présidentielle, nous proposons au moins la tenue d’un de ces référendums que la junte a su proposer, et sous la forme d’un plébiscite.

Pour ou contre la gazelle ?

 

Me. BALLA CISSE

Docteur en droit public
Avocat au Barreau de Paris
Diplômé en Administration électorale

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