Les idéologues de Koulouba.

Le régime de Transition suit-il un ensemble de croyances, d’idées, de doctrines ? Depuis cinq ans, il a pesé sur le droit constitutionnel, sur le droit électoral, sur la place de l’armée ; il a encore influé sur le multipartisme et s’est démené pour subordonner la démocratie à la sécurité et ainsi justifier sa permanence au pouvoir. La politique diplomatique, par laquelle la junte se renforce, repose quant à elle sur le recouvrement de la souveraineté ou sur le rejet de la France. Procède-t-elle d’une analyse rigoureuse de l’histoire de l’Afrique ? De la fine analyse au syllogisme, la frontière est mince : c’est plus un déferlement d’idées préconçues et de clichés à la mode qui règle la conduite des généraux et empêche toute action bienfaisante pour le Mali. Deux problèmes illustrent le résultat obtenu par les idées vagues et nébuleuses, les spéculations d’Assimi Goïta et de ses complices : la nature du régime politique du Mali (I) et les idées politiques (II).

 

  1. La nature du régime politique du Mali

Le 22 juillet 2023, il y aura deux ans que le général Goïta a promulgué la IVe République. N’ayant jamais été appliquée, parce que l’élection du président de la République n’a jamais eu lieu, la Constitution n’aura pas commencé de s’user. Le régime de Transition a donc toujours cours depuis le 19 août 2020 et le premier coup d’État de l’armée. En toute logique et théoriquement, la IIIe République est ainsi toujours en place, puisque la Charte de la Transition la complète et puisque cette Charte existe toujours, bien que la Transition ait officiellement pris fin le 26 mars 2024… Comprenne qui pourra.

Des considérations juridiques hallucinantes expliquent les mesures de mauvaise justice défendues par l’ancien Premier ministre Choguel Maïga et par l’armée pour justifier la survie de cette créature constitutionnellement monstrueuse et repoussante qu’est le régime politique du Mali. Citons-en deux pour comprendre la vacuité de la pensée de la clique jouissant des postes les plus élevés et des titres les plus hauts.

La première a été émise par l’ancien Premier ministre Choguel Maïga. Pour lui, le décret du 6 juin 2022 engageant la junte à clore la Transition le 26 mars 2024 a perdu sa valeur dès lors que le Mali s’est retiré de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), cadre dans lequel le décret avait été pris. L’exception peut donc se prolonger, elle est la règle, même si elle empêche l’expression du droit de suffrage.

La deuxième considération pseudo-juridique vient du même Choguel, désormais laissé aux oubliettes depuis sa mise à l’écart en novembre 2024 : les cinq ans de régime exceptionnel tirent leur légitimité des recommandations des Assemblées nationales de la refondation (ANR), c’est-à-dire un ensemble de textes produits par des collaborateurs des colonels. La modification de ce qui tient lieu de Constitution peut donc se faire en dehors des règles admises jusqu’alors.

La nature même du régime d’exception justifierait de prendre des mesures déliées du fondement idéologique de l’État de droit, lui-même reconnu par de saines pratiques du droit constitutionnel. L’encadrement juridique du pouvoir est donc en cause au Mali. La structure du système juridique, si elle existe, est branlante, parce que la hiérarchie des normes est sans cesse bouleversée. Cette situation a des effets sur l’expression des idées politiques.

 

  1. Les idées politiques

Les intellectuels ont peu de choix : ou bien ils collaborent avec la junte ; ou bien ils s’opposent à elles et vivent dans la crainte au Mali ou à l’étranger, ou bien ils sont emprisonnés. Ces clandestins de la pensée ont d’abord servi les premiers jours de la junte, parfois à leur corps défendant : ils servaient de caution morale à l’action des putschistes prétendant libérer le peuple d’une période néfaste à la démocratie. Les intellectuels engagés à ce moment dans les partis politiques, comme le Mouvement du 5-Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), étaient utiles. Ils sont ensuite devenus embarrassants dès que le régime, suffisamment constitué, a cherché à se durcir pour rester au palais de Koulouba. L’une de ces figures combattantes est Mohamed Chérif Koné. Après avoir contribué à la rédaction de la Charte de la Transition, il a vainement dénoncé les excès de la junte devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Pour le faire taire, la justice, complice, l’a radié de l’ordre des magistrats (il était membre de la Cour suprême). Depuis mai 2024, il est chef d’un gouvernement civil en exil.

Le 13 mai 2025, Assimi Goïta a abrogé la Charte des partis politiques après avoir suspendu l’activité des partis politiques eux-mêmes en avril et en mai 2024, et encore en mai 2025 pour « raison d’ordre public » : le nombre de partis – trois cents – serait trop grand. En première instance, la justice a rejeté les recours contre cette mesure. Nous n’analysons pas les ressorts juridiques ayant permis telle décision : nous montrons que l’expression d’idées politiques, pourtant prévue dans l’article 39 de la Constitution de la IVe République, est interdite au Mali et que, n’existant plus, elle maintient, tout en la justifiant, la suspension du cycle électoral. Les seules propositions politiques émanent donc de la junte. Sans le dire, celle-ci établit un parti unique. Mais si des élections se tenaient, peut-être verrait-on un multipartisme encadré, à la manière russe, avec des candidats aux propositions faibles, à peine différentes de celles du pouvoir en place, menant à une falsification de l’expression du suffrage des citoyens comme l’absence d’un second tour à l’élection présidentielle. L’application de la nouvelle Constitution du Togo, par laquelle le président du Conseil – qui détient les véritables pouvoirs – est élu au suffrage universel indirect pourrait, elle, stimuler la créativité législative des propriétaires de Koulouba.

Au lycée militaire de Saint-Cyr-l’École figure en bonne place une pensée du général de Gaulle : « La véritable école du commandement est la culture générale. » Les généraux qui commandent à la nation et à l’État maliens feraient bien de faire leur cette idée brillante qui, s’ils la suivaient, donnerait aux étoiles qu’ils portent trop fièrement l’éclat qu’elles n’ont pas.

 

Dr Balla Cissé
Avocat

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