Porté par une série de facteurs économiques favorables, le cedi ghanéen s’est hissé au rang de devise la plus performante du monde au premier semestre 2025. En l’espace de cinq mois, la monnaie nationale a enregistré une appréciation spectaculaire d’environ 50 % face au dollar américain, selon les données croisées de Bloomberg, Reuters et du Ghana Statistical Service. Un revirement spectaculaire pour une devise qui, il y a encore un an, était en chute libre.
Une appréciation historique
Depuis le début de l’année, le cedi a gagné entre 40 % et 50 % contre le dollar, passant d’un taux d’échange d’environ 16,0 GHS/USD en novembre 2024 à environ 10,2 GHS/USD fin mai 2025. Cette remontée fulgurante place la monnaie ghanéenne en tête des devises mondiales en termes de performance sur le marché des changes.
Cette évolution contraste fortement avec la situation de 2022 et 2023, où le cedi avait connu une dépréciation continue en raison de la dette publique élevée, d’une inflation galopante et d’un déficit budgétaire persistant. À l’époque, le Ghana avait même été contraint de solliciter l’aide du Fonds monétaire international (FMI).
Les moteurs de la reprise
1. Reprise des exportations de matières premières
L’un des principaux moteurs de cette reprise est la hausse des recettes d’exportation. Le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao et important exportateur d’or, a bénéficié de la flambée des prix des matières premières. Le prix du cacao a atteint des sommets inédits, tandis que l’or a franchi à plusieurs reprises le seuil symbolique des 2 300 dollars l’once. Ces performances ont favorisé une entrée massive de devises étrangères dans l’économie.
2. Discipline monétaire stricte
La Banque du Ghana a maintenu une politique monétaire restrictive. Le taux directeur reste à 28 %, l’un des plus élevés du continent, afin de contenir l’inflation. Cette politique a renforcé la crédibilité de la banque centrale et attiré des investisseurs intéressés par les rendements élevés offerts sur les actifs en cedis.
3. Soutien du FMI et réforme des finances publiques
Le Ghana bénéficie depuis 2023 d’un programme de soutien du FMI portant sur 3 milliards de dollars. En contrepartie, le pays a mis en œuvre un plan de réformes budgétaires et de restructuration de la dette. La rigueur budgétaire et les remboursements de la dette en cedis ont également contribué à renforcer la demande pour la monnaie locale.
4. Rentrées de fonds de la diaspora
Les envois de fonds de la diaspora ont connu une hausse notable, renforçant les réserves en devises étrangères. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour encadrer les opérations de change sur le marché parallèle, améliorant la transparence du marché officiel des devises.
Des risques persistants
Malgré cette embellie, des incertitudes subsistent quant à la durabilité de cette performance. L’économie ghanéenne reste structurellement dépendante des matières premières, exposant le cedi aux chocs exogènes liés aux cours mondiaux. Un retournement des prix du cacao ou de l’or pourrait rapidement inverser la tendance.
Par ailleurs, si le processus de restructuration de la dette venait à ralentir ou si l’inflation persistait, la confiance dans la stabilité du cedi pourrait de nouveau s’effriter. L’inflation reste relativement élevée, même si elle est passée de 21,3 % en avril à 18,4 % en mai, selon le Ghana Statistical Service.
Un test pour la résilience économique
La solidité retrouvée du cedi symbolise une phase de transition pour l’économie ghanéenne. Elle illustre également le rôle clé que peut jouer une politique monétaire cohérente, un soutien financier multilatéral bien négocié et une bonne gouvernance des ressources naturelles dans la stabilité d’une devise.
Cependant, ce succès devra être confirmé sur la durée. L’amélioration du solde courant, la diversification de l’économie et la poursuite des réformes fiscales seront indispensables pour consolider ces gains et transformer cette embellie monétaire en croissance inclusive et durable.
Sources : Banque du Ghana, Reuters, Bloomberg, Ghana Statistical Service, FMI.
MARAMORY BOUKA NIARE
Rédacteur en Chef